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Coupe commémorant la prise de Vérone par les impériaux en 1516

Coupe commémorative ornée de monnaies antiquesNuremberg ou Vérone, 1515-1516Argent repoussé, ciselé, gravé et doréH. : 5,8 cm ; D. : 13 cmLegs de la Baronne Salomon de Rothschild, 1922E. Cl. 20745 Cette coupe circulaire, l'une des œuvres majeures exposées dans la salle d'orfèvrerie du musée national de la Renaissance au château d'Ecouen (vitrine 13) mérite une étude approfondie en raison de sa valeur historique et artistique. Portée par un discret cercle d'argent, elle est repoussée de godrons rayonnants disposés à partir de l'ombilic et dont les contours s'interrompent à quelque distance du bord extérieur. Le bandeau ainsi délimité a été évidé pour recevoir neuf monnaies romaines antiques dont les faces sont orientées sur la paroi interne de la coupe. A l'ombilic, la coupe est ornée d'un demi-teston (" mezza lira ") à l'effigie de l'empereur Maximilien d'Autriche frappé à Vérone en 1515-1516. Sur la face externe, dans les intervalles entre les monnaies, le bandeau est gravé de scènes de triomphes composées de cortèges de personnages portant des palmes, des oriflammes et des butins, de musiciens sonnant de la trompe, de cavaliers accompagnés de chars portant des trophées d'armes, de groupes de captifs, et d'un monument reconnaissable, le Colisée de Rome. Car il s'agit bien d'une coupe commémorative, conçue en l'honneur de l'empereur Maximilien Ier dont l'effigie sur le demi-teston de Vérone donne tout son sens au décor. Les neuf monnaies romaines authentiques insérées dans le bandeau, dont les plus anciennes remontent à la période républicaine et les plus récentes datent du IIIe siècle après Jésus-Christ, lui répondent en miroir, invitant à comparer l'empereur régnant à ses homologues de l'Antiquité. Au revers, le bandeau gravé de triomphes doit être associé à la commémoration de la prise de Vérone. Cette cité située dans les terres contrôlées par Venise fut en effet conquise par les troupes impériales en 1509. L'empreinte vénitienne est indéniable : on reconnaît sur le bandeau gravé des copies partielles des planches monumentales du Triomphe de César, première suite de gravures sur bois de très grandes dimensions, gravée par Jacob de Strasbourg d'après Benedetto Bordone, qui fut publiée à Venise en 1504. Ces éléments permettent de dater l'œuvre après 1509, année de la prise de la ville par les troupes impériales, et avant 1516, date de la reprise de Vérone par la coalition franco-vénitienne : plus précisément encore, de l'année 1515-1516, date de la frappe du demi-teston de Maximilien. Plus problématique est la question du lieu de réalisation de la coupe. La plupart des exemplaires de coupes à monnaies (" Münzschalen ") encore conservés, datés des premières décennies du XVIe siècle, sont attribués à des orfèvres de Nuremberg, parfois de Souabe ou d'Alsace. Ils sont issus des collections d'érudits allemands et témoignent de ce goût pour l'Antiquité qui accompagne, dans le monde germanique, les premiers temps de la Renaissance. La coupe d'Ecouen, dont la forme " à l'antique " répond à ce courant, s'en distingue cependant par la confrontation des scènes gravées et d'un choix de monnaies à valeur clairement politique. Pour cette raison, l'éventualité d'une origine locale (Vérone, voire Venise) ne doit pas être écartée bien que l'absence de poinçons rende toute attribution aléatoire. Dans cette hypothèse, notre coupe pourrait bien avoir été un présent de la cité véronaise à son impérial conquérant. Michèle Bimbenet-Privatconservateur en chef du patrimoine Le triomphe de César (détail), gravure sur bois par Jacob de Strasbourg, Venise, 1504. _____________________________________________________ Une rare peinture sous verre française du XVIe siècle Les peintures sous verre du XVIe siècle sont rares dans les collections françaises. Le Musée national de la Renaissance en conserve un riche ensemble comptant des coupes vénitiennes inspirées de gravures de Marcantonio Raimondi ainsi que le retable de Villefranche-de-Rouergue, exposé dans la chapelle du château d'Ecouen. Récemment acquise sur le marché de l'art parisien, une Vierge d'Immaculée Conception est venue enrichir cet ensemble dont la variété permet désormais d'apprécier les multiples facettes de cette technique rare. De plus, cette dernière œuvre, offerte par les Amis du Musée national de la Renaissance au château d'Ecouen constitue un des seuls exemples d'œuvre peinte sous verre probablement produite en France au XVIe siècle. Encore pratiquée de nos jours pour la production d'œuvres populaires en Alsace, la technique de la peinture à froid sous verre constitue néanmoins un aspect méconnu des arts décoratifs de la Renaissance. Elle consiste à orner l'arrière d'une plaque de verre transparente d'un décor peint à l'huile, l'artiste procédant à rebours d'une peinture sur bois ou toile. Avec une grande habileté, il commence par mettre en place le dessin au trait noir avant de réaliser les détails et de terminer par les couleurs de fond. Le verre sert donc à la fois de support et de protection à la couche picturale. Ces œuvres auxquelles la brillance du verre confère un éclat séduisant sont également particulièrement rares en raison de la fragilité de leur support et de la faible adhérence des couleurs qui, à la différence de celles du vitrail, ne sont pas cuites. L'œuvre acquise par le musée d'Ecouen est peinte sur une plaque de verre de 20,5 x 26,5 cm, montée dans un cadre de bois récent, au dos duquel est collée une étiquette de la fin du XIXe siècle portant l'inscription " n°62 / Mme Pommery / à Reims ". Cette mention suggère que cette Vierge provient de l'ancienne collection de Jeanne-Alexandrine Mélin (1819-1890), veuve du célèbre producteur de champagne, qui légua notamment un ensemble important de céramiques au musée des Beaux-Arts de Reims.La Vierge à l'Enfant, couronnée, se tient debout sur un croissant de lune soulevée par trois anges, dont celui du bas joue du luth. L'Enfant nu tient un bâton fleurdelysé dans la main droite et un globe dans la main gauche. Des rayons de lumières et émanent de la Vierge ainsi que des quatre angles de la composition. L'usage abondant de la feuille d'or pour les rayons, la robe de la Vierge et les attributs du Christ confère à l'œuvre son aspect précieux. Cette iconographie dérive de celle de la Femme de l'Apocalypse apparue à saint Jean et illustre dès le XVIe siècle le dogme de l'Immaculée Conception. Largement influencée par l'art flamand, cette œuvre trouve en outre des équivalents dans plusieurs vitraux champenois, en particulier une Vierge au croissant entourée d'anges à l'église d'Evry-le-Châtel qui présente de fortes similitudes iconographiques et stylistiques avec la Vierge d'Ecouen. Les diverses analogies tendent à confirmer pour cette œuvre une origine locale et permettent de proposer une datation dans le premier quart du XVIe siècle. De plus, ces rapprochements permettent de supposer que cette peinture à froid soit l'œuvre d'un artiste verrier, ce que des détails techniques tendent à confirmer. Le choix de laques rouges translucides pour les ailes des anges évoque les effets du vitrail. Plus encore, la technique de modelé des visages et des drapés, qui procède par grattage d'une première couche grise sous laquelle transparaissent les autres couleurs, est similaire à la manière de traiter la grisaille sur un vitrail. Les lieux de production de la peinture sous verre font encore l'objet de controverses. Il semble évident que Venise, premier lieu de production du verre en Europe au XVIe siècle, a joué un rôle essentiel dans l'apparition de cette technique qui connaît aussi un grand succès dans les régions du Tyrol. Quelques pièces conservées prouvent en outre l'existence d'une production flamande qui demeure mal connue. Mais l'hypothèse d'une production française n'a jamais véritablement été abordée. Certaines œuvres permettent néanmoins de l'envisager, telle une Pietà conservée au Musée départemental de l'Oise et datable vers 1520, à l'arrière plan de laquelle apparaît la cathédrale Saint-Pierre de Beauvais. L'existence de cette œuvre conservée et sans doute réalisée dans un centre verrier majeur du XVIe siècle pourrait résulter de circonstances analogues à celles qui ont engendré la Vierge d'Ecouen. L'étude des verres peints provenant de France pourrait conduire à envisager l'hypothèse d'artistes flamands itinérants, dont l'activité aurait des répercussions sur la Picardie, la Champagne voire la Bourgogne et aurait fait des émules parmi les artistes verriers locaux. La Vierge Pommery du Musée national de la Renaissance apporte donc une nouvelle pierre à l'édifice de la redécouverte de la peinture sous verre française. Anne-Charlotte BéonConférencière nationale Musée national de la Renaissance - Château d'Ecouen