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Arts du feu

Portrait d'Éleonore d'Autriche, émail peint, 1536.

Portrait d'Éléonore d'AutricheLéonard LimosinPeinture sur émail France (Limoges) 1536 ECL 2520

Le beau portrait d'Éléonore d'Autriche peint sur émail par Léonard Limosin, bien qu'infiniment plus naïf et beaucoup moins achevé, se place incontestablement dans la lignée de l'art des Clouet, dynastie de portraitistes d'une clientèle aristocratique et royale tout au long du XVIe siècle. C'est que le portrait, à connotation religieuse jusqu'au XIVe siècle, devient individuel et "privé" dès le XVIe siècle. Il connaît un engouement extraordinaire, qui correspond bien sûr à une nouvelle vision du monde. L'individu y prend une place essentielle et centrale et l'artiste s'intéresse désormais à ses traits qu'il cherche à reproduire fidèlement. Cette vogue irrésistible se répand chez les émailleurs et c'est à Léonard Limosin qu'il revient d'inaugurer le genre et de le porter à son apogée, 20 ans plus tard avec un chef d'oeuvre comme le portrait du Connétable de Montmorency, conservé au Louvre.Celui d'Éléonore est apparemment un des premiers exemples de cette mode du portrait émaillé, il est pourtant déjà d'une grande précision. Les vêtements sont dessinés avec un certain luxe de détails : robe de velours noir brochée d'or aux manches à crevés de soie, empiècement du décolleté en mousseline couverte d'une résille d'or et qui se termine en collet haut, ancêtre de la fraise tuyautée qu'apportera Catherine de Médicis. La coiffure, très méticuleuse, est faite d'une résille formant bonnet, enrichie de perles, comme l'encolure. Le tout rappelle joliment qu'Éléonore est fille du roi de Castille et a été mariée au roi du Portugal. Mais c'est sur le visage que l'émailleur a porté toute son attention, lui donnant la finesse d'une peinture à l'huile. On notera en particulier, la lumineuse transparence du teint qui confère à ce visage dont le prognathisme, typiquement Habsbourg, n'est pas caché, une délicate noblesse. Le sublime fond bleu nuit semé de paillons d'or met particulièrement en valeur la pâleur du visage. Dès lors, la technique de Limosin ne cessera de s'améliorer.

François 1er, alors comte d'Angoulême, avait épousé en 1514 Claude de France, fille de Louis XII et d'Anne de Bretagne qui meurt en 1524 après lui avoir donné sept enfants. Le roi épouse en secondes noces Éléonore d'Autriche, la s?ur de Charles Quint. C'est un mariage qui est l'aboutissement de tractations compliquées, et résume à lui seul toutes les données géo-politiques de l'époque. En effet, lorsque François 1er est fait prisonnier à Pavie en 1525 au terme d'une désastreuse campagne d'Italie pour reconquérir le Milanais contre l'empereur du Saint Empire romain germanique, il est emmené à Madrid. Les négociations qui s'engagent lors de sa détention et qui aboutiront à la paix de Madrid, comprennent une exigence réitérée du souverain français : l'alliance avec Éléonore. Celle-ci aura finalement lieu en juillet 1530 au monastère de Beyrie. L'entrée de la reine à Paris, en 1531, est l'occasion de grandes festivités, préparées par Anne de Montmorency qui voue une grande admiration à Éléonore, sentiment qui est loin d'être partagé par le roi, quoiqu'on dise la jeune femme d'une discrétion pleine de charme et douée pour la danse et le luth. L'union restera sans héritier et la reine repartira en Espagne après la mort de François 1er, en 1547.