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Arts du feu

Coupe à couvercle aux armes de la famille de Malestroit

Coupe à couvercle aux armes de la famille MalestroitTerre vernissée Saint-Porchaire, France Entre 1540 et 1560 H.22 cm, diam. 17 cm ECL 1641

Qui pourrait songer en regardant cette élégante coupe blanche décorée de divers tons de brun qu'on se trouve ici en face d'une des créations les plus mystérieuses des arts décoratifs français ? C'est pourtant le cas. Non seulement son origine reste incertaine et c'est quasiment par défaut qu'on lui accole le patronyme de " Saint-Porchaire ", mais, par bien des aspects, la production de ce type de céramique est sans équivalent au XVIe siècle. Les décors héraldiques qui sont les siens l'associent souvent à François 1er, à la famille des Montmorency, et, plus fréquemment encore à Henri II dont de nombreuses pièces portent le monogramme, ce qui permet de résumer la datation à la très courte période comprise entre 1540 et 1560. Il s'agit d'une vaisselle de luxe, réservée aux grands seigneurs (elle ne porte jamais de décor royal complet et les écus identifiés sont ceux de Louis de Bourbon, Anne de Montmorency, Claude Gouffier, du prince de Condé, grands personnages du royaume, mais aussi de familles comme les Malestroit, les La Trémoille, les Clermont-Dampierre, les Espinay) et considérée comme aussi précieuse que l'orfèvrerie dont elle reproduit les motifs. Elle n'est pas destinée à être utilisée mais revendique clairement une fonction exclusive d'apparat.Gageons que ce rôle précieux découle directement du caractère exceptionnel, unique, de cette terre vernissée : elle est modelée à partir d'une argile absolument pure et absolument blanche, qu'on identifiera deux siècles plus tard à du kaolin, autrement dit une matière comparable à la terre qu'utilisent les Chinois pour fabriquer la fameuse porcelaine qui commence déjà à emplir les rêves des collectionneurs occidentaux. Cette blancheur intrinsèque, qui n'a pas besoin d'être couverte d'émail pour exister, stupéfie les esthètes. Les formes des objets sont une transposition de l'orfèvrerie tandis que le décor, très abondant et formé de rinceaux, entrelacs, arabesques, fleurons, est emprunté aussi à la reliure, de même que la méthode d'application de motifs par estampage (incrustation de terres colorées) ce qui représente un degré d'élaboration remarquable. D'autres éléments, tirés du bestiaire imaginaire ou de la mythologie, sont appliqués en relief. La poterie de Saint-Porchaire illustre à merveille le goût des objets luxueux et raffinés qui anime l'esprit de la Renaissance.