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Arts de la laine et de la soie

David et Bethsabée Tapisserie Bruxelles, 1510-1515 Longueur totale des dix tapisseries : 75m,S H : 4,5m ECL 1613 à ECL 1622 Voir le diaporama

Si l'histoire de David a souvent été traduite en tapisserie, la suite de 10 pièces que possède le Musée d'Écouen dépasse de loin, en splendeur, en qualité et en taille toutes ses semblables. Elle a d'ailleurs longtemps été victime de sa "corpulence". Car où montrer, dans des conditions acceptables, 10 pièces totalisant 340 m2 de tapisserie sur 75 m de longueur et 4,5m de hauteur? Le destin de cette oeuvre exceptionnelle était entièrement dépendant de cette caractéristique. Acquise en 1847 pour le Musée de Cluny, David et Bethsabée a d'abord été mal accrochée, puis décrochée en 1938 et délogée puisque elle n'a pas, après guerre, retrouvé de place dans un lieu, la salle des Thermes, rendu à sa catégorie antique. Elle resta donc en réserve, pliée, sauf pour de brèves expositions à l'étranger dans les années 70 qui révélèrent au public stupéfait sa somptuosité et aux historiens d'art, la nécessité de l'exposer dans le lieu digne d'elle que serait un musée consacré au XVIe siècle.L'analyse de cette oeuvre dévoile autant qu'elle garde de mystères. À n'en pas douter, elle sort des ateliers de Bruxelles: la virtuosité de la technique, l'emploi des hâchures (tons s'interpénétrant pour créer des dégradés), le jeu des ombres et des lumières qui modèle les volumes désignent son origine. De même que la présence d'une bordure où l'on trouve des tiges et des pampres chargés de feuilles et de fleurs séparés par des noeuds de rubans est une signature bruxelloise. On sait par ailleurs qu'à partir de 1476 les tapissiers bruxellois furent contraints d'avoir recours aux peintres pour le dessin des figures. Celles de David et Bethsabée sont bien le reflet de la grande peinture flamande du XVe siècle. La date n'est pas indiquée mais on peut avancer celle de 1510-1515. La composition reste très médiévale mais déjà des motifs Renaissance apparaissent dans l'architecture, dans l'armement des soldats (chanfreins italiens des chevaux datant de 1510) et bien sûr dans le costume (soulier en "pied d'ours" du règne de Louis XII).Le nom de l'artiste demeure inconnu, tout comme celui de l'atelier ou des cartonniers. On pense néanmoins, pour le premier, qu'il pourrait s'agir de Jan van Roome, dit Jean de Bruxelles, artiste en faveur à la cour de Marguerite d'Autriche et qui dessina le tombeau de son époux, Philibert de Savoie, à Brou, en 1513. Les statuettes de ce mausolée s'apparentent de très près aux figures de la tapisserie.Enfin, question qui demeure également sans réponse : pour qui cette tapisserie fut-elle tissée? Et d'abord est-ce bien une oeuvre de commande ou s'agit-il d'une pièce commerciale, exécutée par un maître-licier et conservée en magasin? Le prix de revient d'une telle tenture, riche en fils d'or, était si important qu'il paraît peu probable qu'elle n'ait pas répondu à une demande. Néanmoins, on ne trouve aucun écu armorié, ni devise, ni symbole. On a tout de même avancé deux noms d'éventuels commanditaires : celui de Marguerite d'Autriche, régente des Pays-Bas et tutrice de son neveu Charles Quint et celui d'Henri VIII d'Angleterre chez lequel l'ambassadeur de Venise admirait, en 1527, une coûteuse tapisserie représentant l'histoire de David.