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Arts du feu

Coupe aux armes d'Anne de Bretagne

Coupe aux armes d'Anne de BretagneVerre émaillé Venise Entre 1498 et 1514 H. 0,21m ECL 1567

Anne de Bretagneavait un goût très affirmé pour les oeuvres d'art et il est probable qu'elle commanda le service d'apparat dont est issue cette coupe à un atelier vénitien -entre autres indices, la pose de l'émail par gouttes est caractéristique des ?uvres de Murano. Elle porte un écusson parti de France et de Bretagne, surmonté d'une couronne et entouré de rubans. Ces rubans et les armoiries de Bretagne à senestre prouvent qu'il s'agit d'une reine de France issue de la Maison de Bretagne. On note l'abondance du décor doré, qui accentue encore la ressemblance avec une pièce d'orfèvrerie, déjà marquée par l'aspect côtelé de la coupe.On connaît trois autres pièces armoriées de ce service dans des collections publiques : une autre coupe identique au Metropolitan Museum de New York, un plat au Victoria et Albert Museum de Londres et une coupe sur pied bas ou tazza au Museum of art de Toledo. L'idée de service en verre reste toutefois difficile à établir au XVIe siècle. Il est certain qu'à l'occasion des mariages princiers, on commandait des séries de verres à Venise. Mais on ne trouve pas, dans les inventaires, qu'il s'agisse de celui de François 1er ou de Catherine de Médicis, de signe de l'existence d'un vrai service destiné au souverain. Aucun document non plus ne permet de préciser l'histoire des verres d'Anne de Bretagne, ni à quel ensemble ils appartenaient. Il faut imaginer que la verrerie a, dès la fin du moyen age, sa place sur les dressoirs des princes, mélangée aux pièces d'orfèvrerie auxquelles elle offre une alternative. Ce sont là des pièces d'apparat. Le nombre de pièces uniques, portant parfois un décor héraldique, est important : on offre une coupe émaillée aux armes du souverain, avec ou sans couvercle, à l'occasion d'une visite ou d'un mariage.L'apparition de la verrerie de luxe, cristalline et émaillée, est une invention de la Renaissance, qui témoigne encore du raffinement et de la sophistication de cette époque. Quant à la matière elle-même, peut-être doit-on parler de "ré-invention" car si les Romains connaissaient et maîtrisaient la fabrication du verre, le Moyen age oublia leur savoir-faire.C'est aux Vénitiens que revient le mérite d'avoir recueilli et développé l'héritage byzantin, dans leurs ateliers de l'île de Murano, et ce, dès le XIIIe siècle. Ils réussissent à mettre au point un verre incolore, transparent qu'ils nomment cristallo : la verrerie moderne est née. Elle va connaître un essor sensationnel, une inventivité de formes et de coloris peu commune, dont on ne peut d'ailleurs se représenter qu'une partie, la fragilité inhérente aux objets n'ayant permis qu'à une petite partie de venir jusqu'à nous.Les tables princières et seigneuriales du XVIe siècle s'arrachent le verre de Murano, tant et si bien que, malgré le protectionnisme mis en ?uvre par Venise qui interdit à ses verriers de s'expatrier sous peine de mort, des ateliers se créent dans toute l'Europe. En France, Henri II fonde en 1551, sous la direction de Theseo Mutio, verrier bolonais, près de son château de Saint-Germain-en-Laye, un atelier chargé de fournir à la cour une verrerie "à la façon de Venise". En 1582 surtout, Louis de Gonzague, marquis de Montferrat, épouse Henriette de Clèves et devient duc de Nevers. Il fait venir de son pays, Altare, en Ligurie, centre réputé de cet artisanat, des verriers qui vont essaimer dans toute la France. Notons enfin que si le Musée national de la Renaissance d'Écouen possède une collection de verres d'une étonnante richesse et variété, c'est que son prédécesseur, le Musée de Cluny avait très tôt fait preuve d'une judicieuse politique d'acquisition, en achetant, en 1851 la célèbre collection d'Huyvetter à Gand et en poursuivant cet effort tout au long du XIXe siècle.